En recherche d’activité durable pour vos vacances en Martinique ? La découverte de la mangrove est un incontournable. Mais si vous la visitiez autrement ?

Un nouveau regard sur la mangrove de Martinique

Frontière entre terre et mer, la mangrove a longtemps été synonyme de forêt marécageuse impénétrable, habitée de mythes et légendes effrayantes. 

La réalité est pourtant bien différente pour ce milieu dont les fonctions sont essentielles à l’équilibre de la biodiversité marine. 

Il devient donc primordial de le préserver. Et si le tourisme durable avait son rôle à jouer ?

Cet article a été rédigé suite à notre rencontre avec Délice Nouel, fondatrice de Dénébola, agence écotouristique martiniquaise.

La mangrove, un écosystème singulier et passionnant

Mangrove de Martinique @Dénébola

La mangrove de Martinique ©️Dénébola

Qu’est-ce qu’une mangrove ? 

Mangrove de Martinique racines @Canva

La Mangrove est une forêt basse, un écosystème unique où s’enchevêtrent les racines d’arbres étonnants que l’on appelle les palétuviers. Ce sont les seuls arbres capables de pousser dans ce milieu amphibie. Dans les Antilles, il en existe quatre espèces :

  • Le palétuvier blanc
  • Le palétuvier noir
  • Le palétuvier gris
  • Le palétuvier rouge. Ce dernier est le plus connu avec ses racines échasses qui dépassent de l’eau et donnent ce côté si mystique à la forêt.

Palétuvier rouge ©️Canva

Où se trouvent ces forêts du littoral ?

Les mangroves sont présentes sur la majorité des littoraux des zones tropicales et subtropicales du monde. En effet, il faut une température annuelle de l’eau de mer de minimum 20 degrés pour que ces forêts se développent. En Martinique, la mangrove représente environ 4% de l’espace forestier de l’île. 

Mangroves dans le monde

Les mangroves dans le monde par ChandraGiri — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

Les palétuviers, des arbres surprenants

Pneumatophores Mangrove de Martinique @Canva

Entre manque d’oxygène et flux et reflux de la marée, les palétuviers ont développé d’incroyables capacités d’adaptation. Morphologiquement, leurs racines échasses leur permettent de mieux se fixer à la terre pour résister à la houle dans un sol vaseux.

Physiologiquement, les palétuviers ont développé des lenticelles (petits pores) sur leurs racines et leurs pneumatophores (excroissances racinaires aériennes) afin de prélever l’oxygène de l’air et ainsi respirer dans un milieu anoxique.

Pneumatophores ©️Canva

Vous savez maintenant ce que sont les mangroves et leurs palétuviers. Nous allons donc voir leur essentialité dans notre écosystème.

De l’importance des mangroves…

Délice Nouel @Dénébola

« Il existe beaucoup de légendes autour de la Mangrove en Martinique. Elle serait une forêt magique où manipulations malsaines et maléfices s’accompliraient. A l’époque, c’était un bel argument pour les couper et urbaniser. Plus on comprend leurs fonctions essentielles pour la biodiversité, plus ce regard tend à changer. Avec Dénébola, on raconte l’histoire de la mangrove à nos passagers, on les sensibilise. » 

Nurserie d’une faune en danger

Royaume des crabes, refuge de nombreuses espèces d’oiseaux, crustacés et poissons, la mangrove est un véritable réservoir de biodiversité. 

Côté mer

 Les pêcheurs vous le diront : “là où il y a de la mangrove, la pêche est toujours bonne”, nous explique Délice ! 

Et oui, la mangrove attire les poissons qui viennent pour se nourrir et se reproduire, protégés par les racines des palétuviers. 

Côté terre

La mangrove, c’est aussi le repère des crabes. Le crabe violoniste, typique de cette région du globe, est reconnaissable grâce à la pince disproportionnée des mâles. Ils s’en servent pour se battre et réaliser des parades nuptiales uniques en leur genre.  

Petits génies du BTP, ils creusent leurs terriers sur les racines des palétuviers, les aidant ainsi à s’oxygéner !

Mangrove de Martinique Crabe violoniste @Canva

Crabe violoniste  ©️Canva

« En Martinique, on l’appelle aussi le crabe “C’est ma faute !”. Avec leur grosse pince, on a l’impression qu’ils se tapent le poitrail pour s’excuser, comme s’ils disaient “c’est ma faute !” »

?Le conseil écotouristique Dénébola :

“Ce crabe se cache immédiatement dans la vase si on s’approche à moins de 5 mètres. En restant à bonne distance, il exhibera volontiers sa grosse pince pour vous offrir un surprenant ballet chorégraphique !”

Délice évoque l’importance de protéger une espèce endémique de la Martinique : l’iguane péyi  (iguana delicatissima). En danger critique d’extinction, il en resterait moins de 1000 individus. Ces iguanes aiment se nourrir des feuilles rouges des palétuviers. D’où l’importance de préserver la mangrove !

Mangrove de Martinique iguane délicatissima @Dénébola

Iguane péyi (delicatissima), endémique de la Martinique ©️Dénébola

Pour la petite histoire, dans les années 1950, l’homme a introduit l’iguane commun (iguana iguana) en Martinique. En se reproduisant avec le delicatissimia, le gène dominant de l’iguane commun a pris le dessus, provoquant alors le disparition progressive du petit péyi.

?Le conseil écotouristique Dénébola :

“ Nos excursions permettent de découvrir l’îlet Chancel. C’est l’un des seuls lieux de la Martinique où l’iguane commun n’a pas été introduit.  Chaque passager est sensibilisé à la protection du delicatissima, notamment en apprenant à le différencier de l’iguane commun.”

Côté air

Comment parler de la mangrove sans évoquer les oiseaux qui viennent se nicher sur les palétuviers !

« En Martinique, ont peut observer la frégate superbe, l’un des plus grands oiseaux marins, les hérons pic bœufs et puis le héron caiali. On le reconnait par son bec pointu et son cri si particulier. »

Héron Caiali @Canva

Le héron caiali, petit héron vert ©️Canva

La mangrove protectrice du récif corallien

Lorsqu’il pleut, l’eau de pluie descend mécaniquement vers la mer. Seulement, sur son chemin, cette eau se charge en sédiments (terre, boue et déchets). C’est là que le rôle de filtre entre en jeu ! Avant d’aller dans la mer, l’eau doit passer par la mangrove. Celle-ci va retenir les sédiments pour que l’eau entre dans la mer claire et nettoyée.

« Dans la baie du Robert, où nous naviguons, nous voyons là où les mangroves ont été élaguées. Dès qu’il pleut, le fond marécageux de la baie devient marron. C’est bien loin de l’image paradisiaque à laquelle on s’attend en venant en Martinique ! »

Pourquoi est-ce important ?

Les chercheurs ont remarqué que là où les mangroves ont été coupées, l’eau de pluie sédimenteuse qui arrive dans la mer abîme les coraux.

En effet, le corail tire son énergie d’une micro algue : la zooxanthelle. C’est elle qui fabrique la photosynthèse, nécessaire à la survie des coraux. Mais, l’eau non nettoyée vient freiner ce processus. Alors, le corail blanchit et dépérit à petit feu. 

Quelles conséquences pour la biodiversité marine ? Comme la mangrove, le récif corallien a un rôle de refuge. Certains auteurs estiment que 30 à 40 % des espèces marines ont besoin de la présence des récifs coralliens pour se développer ! 

Coraux Martinique @Dénébola
Coraux Martinique @Dénébola

Récif coralien de Martinique ©️Dénébola

La mangrove protectrice du littoral

En se dressant face à la mer, le tissu racinaire du palétuvier rouge permet d’absorber l’énergie des vagues et ainsi de ralentir l’érosion du littoral. C’est aussi une barrière physique lors de catastrophes naturelles.

Voilier Dénébola @Dénébola

Le voilier Dénébola ©️Dénébola

La mangrove, un puits de C02

La mangrove capte et stocke le dioxyde de carbone présent dans l’air. Ce stockage permet de diminuer la concentration de C02 dans l’atmosphère. C’est ce même C02, aussi appelé gaz à effet de serre, qui est à l’origine du dérèglement climatique. Vous comprenez donc l’importance de préserver la mangrove ! 


Comment fonctionne ce stockage ?

Le sol de la mangrove est inondé, donc sans oxygène. La décomposition de la matière organique dans le sol est alors très lente. Par conséquent, la mangrove peut accumuler du carbone pendant des années et ainsi ralentir le dérèglement climatique !

… A la préservation de cet écosystème

Le déferlement d’eaux usées et d’engrais agricoles altère la capacité des palétuviers à stocker du C02. Les mangroves sont aussi le théâtre des décharges sauvages. Le plastique peut notamment endommager les pneumatophores et ainsi empêcher les palétuviers de s’oxygéner. 

Le rôle du tourisme durable

Comme vous le savez, chez Flockeo, nous nous intéressons au tourisme durable. Nous demandons alors à Délice comment le tourisme durable peut-il aider à préserver cet écosystème ? 

Dénébola vous propose de visiter la baie du Robert en voilier. Sur le chemin, découvrez l’îlet Chancel pour découvrir la mangrove de Martinique côté mer ! 

Ce point de vue permet de voir comment la mangrove préserve le récif corallien et comment ce dernier protège la mangrove du chahut de la houle.

« Les flux de touristes provoquent du piétinement. L’accrochage des embarcations sur les racines des palétuviers finit par les casser. En plus, balade en mer rime souvent avec moment festif. Dans ces moments-là, nous sommes moins attentifs aux conseils des guides et la musique perturbe la biodiversité ! En créant Dénébola en 2009, j’ai voulu retrouver une façon de faire découvrir mon île plus respectueuse.

Délice sur son voilier @Dénébola

Balade dans la baie du Robert avec Dénébola ©️Dénébola

Nos 5 bonnes raisons de découvrir la mangrove de Martinique avec Dénébola :

– Une découverte à la voile, sans bruit de moteur 

– Et sans musique, bercé.e.s par les sons de la nature

– On nous offre des explications sur les écosystèmes marins

– Accompagné.e.s par des guides passionné.e.s

– On peut observer la mangrove depuis les fonds marins lors d’une balade palmée

Vers un avenir meilleur

Sur ces 30-40 dernières années, nous avons perdu un peu plus de 30% de la surface des mangroves. Heureusement, de plus en plus d’études relèvent l’importance de ces écosystèmes pour les milieux côtiers. 

Aujourd’hui, des organismes et des scientifiques luttent pour sa préservation.

De plus en plus d’agences touristiques comme Dénébola mettent la sensibilisation et l’apprentissage au cœur de leurs actions. Nous aussi, voyageur.euse.s, professionnel.les du tourisme durable, avons notre rôle à jouer. 

Le combat pour sauver les mangroves n’est pas terminé. Il reste beaucoup à faire et à apprendre, notamment sur la replantation des palétuviers là où ils ont été élagués. 

Il faut continuer à étudier, transmettre et sensibiliser, pour mieux protéger. 

En savoir plus sur Dénébola

Dénébola a été créé par Délice Nouel en 2009. Native de la Martinique, née dans une famille de marins, elle baigne depuis sa plus tendre enfance dans la navigation à voile. Avec Dénébola, elle vous propose de (re) découvrir les plaisirs de la voile, sans musique, sans moteur, en petit comité. 

En 2019, Dénébola obtient le label qualité tourisme pour son implication dans un tourisme respectueux de la biodiversité.